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ÉCLAIRAGE - Le sit-in semble s’installer dans la
durée et 5 000 jeunes assurent des permanences la nuit
La présence aouniste, un des principaux moteurs du
mouvement de protestation
L'article de Scarlett
HADDAD
«Le barrage de la peur a été brisé.
Désormais, les chrétiens sont présents en force sur le terrain. » Cadre au
CPL, Hekmat Dib se déclarait hier très satisfait de la participation des
chrétiens au sit-in et à la manifestation de l’opposition, surtout ceux
qui se sont tenus dimanche au centre-ville de Beyrouth. Pour lui, ainsi
que pour d’autres cadres de la formation, plus personne ne peut désormais
affirmer que la participation chrétienne est minime et que la popularité
du général Michel Aoun au sein de la rue chrétienne s’est dramatiquement
réduite. Les responsables du CPL estiment à cet effet que le premier jour,
vendredi, une forte pression avait été exercée sur les chrétiens, doublée
de rumeurs sur l’éclatement d’éventuels affrontements entre les rues
sunnite et chiite, dans le but de les décourager et de les empêcher de
descendre dans la rue. Il y aurait donc eu une sorte de mouvement de peur.
De plus, les écoles du Metn et du Kesrouan n’avaient pas fermé leurs
portes, ce jour-là, et les gens ont été pratiquement contraints à
poursuivre leurs activités habituelles. Mais en voyant la façon dont les
médias proches des forces du 14 Mars ont évoqué la participation du CPL à
la manifestation de vendredi, ils ont tous été poussés à réagir pour
montrer où vont leurs sympathies. Selon Hekmat Dib, ils ont ainsi réussi à
surmonter le barrage de la peur et, se sentant ignorés par les médias, ils
sont descendus dans la rue pour que tout le monde puisse les
voir. Dimanche donc, depuis le matin, la couleur orange inondait le
centre-ville, notamment les deux places Riad el-Solh et celle de la
Liberté, dans un souci de répondre à l’appel du général Michel Aoun. Alors
que vendredi, le mot d’ordre était d’éviter les signes partisans pour
laisser toute la place au drapeau libanais, pendant le week-end, les
manifestants s’en sont donnés à cœur joie pour exhiber leur allégeance
politique. D’ailleurs, il y avait un peu de défi dans leur attitude, car
les chrétiens arboraient des croix bien évidentes et dès qu’un journaliste
leur posait une question, ils s’écriaient : « Je suis de Kfarmechki
(Syrie) ou de Téhéran (Iran) », ironisant ainsi sur les allégations de la
majorité quant à la présence de Syriens et d’Iraniens parmi les
manifestants. Selon les cadres du CPL, les chrétiens sont désormais
partie intégrante et efficace de l’opposition dans la rue. Ils participent
à tous les détails de l’organisation et, sur les 5 000 jeunes censés faire
une permanence chaque nuit dans les tentes dressées à cet effet, il y a
tous les soirs 2 000 aounistes, 500 autres chrétiens (maradas notamment)
et 2 500 musulmans, pour la plupart chiites, mais avec des druzes et des
sunnites des formations intégrées à l’opposition. Dans cette
organisation minutieuse, rien n’est laissé au hasard et les slogans sont
soigneusement étudiés pour ne provoquer aucune susceptibilité religieuse
ou personnelle. Les aounistes ont aussi pesé de tout leur poids pour qu’il
n’y ait pas d’insultes contre qui que ce soit. C’est ainsi que les slogans
sont axés sur le départ du gouvernement, sur la « politique du thé », pour
évoquer avec humour la coopération indirecte avec les soldats israéliens à
Marjeyoun, sur les larmes du Premier ministre et sur l’appauvrissement des
citoyens suite à la politique du gouvernement, avec un souci de rester
toujours dans les limites de la bienséance. Le souci principal des
organisateurs est donc de montrer l’image d’une unité réelle entre toutes
les composantes confessionnelles de la société libanaise et d’insister sur
l’aspect civilisé de la manifestation et du sit-in. Les tentes ont
d’ailleurs été dressées pour éviter d’éventuels heurts entre des modes de
vie différents. Toutefois, le courant aouniste considère que ce mouvement
de protestation est une occasion en or pour les militants du Hezbollah de
montrer l’étendue de leur tolérance, leur ouverture et leur capacité à
s’intégrer au sein d’une société pluraliste. Les membres du Hezbollah en
sont d’ailleurs tout à fait conscients et ils coordonnent le moindre
mouvement avec leurs alliés chrétiens, soucieux aussi d’en finir avec les
préjugés et la méfiance que leur apparence suscite. Leurs militants ne
cachent pas toutefois leur ébahissement devant la découverte du
centre-ville où nombre d’entre eux n’avaient jamais mis les pieds...
Maintenant que chaque partie a pris ses marques et que tous les
participants au sit-in ont trouvé entre eux une sorte de cohabitation
cordiale, le mouvement semble s’installer dans la durée. Apparemment, le
réservoir humain est en mesure de fournir un nombre suffisant de
manifestants pour les semaines à venir et l’enthousiasme ainsi que
l’engagement des jeunes ne semble pas devoir faiblir. Un jeune aouniste
rappelle d’ailleurs à ce sujet : « J’ai passé 70 jours sous une tente en
février, mars et avril 2005, et je croyais vraiment que je défendais une
grande cause. Maintenant, je suis encore plus motivé qu’avant. On a voulu
nous éliminer. C’est mon existence et ma liberté de pensée que je défends.
» Le mouvement est donc lancé et il ne s’arrêtera pas avant la
satisfaction de la principale revendication : la formation d’un
gouvernement d’union nationale. Si les organisateurs écartent toute
intention d’investir le Sérail gouvernemental, leur mouvement étant
pacifique et non violent, ils laissent entendre que de nouvelles mesures
seront prises dans les jours qui suivent et couvriront l’ensemble du
territoire libanais. Ils sont convaincus que les incidents qui éclatent ça
et là sont destinés à leur faire peur et à les pousser à suspendre leur
mouvement. Mais ils affirment que la majorité ne devrait pas miser sur la
lassitude des manifestants, car pour eux, il n’y a plus de possibilité de
retour en arrière. Mais surtout, insistent-ils, la majorité devrait cesser
de minimiser la présence chrétienne au sein de l’opposition, car celle-ci
a montré son efficacité et sa capacité à convaincre ses alliés de son
point de vue. Une expérience qui mérite d’être signalée à l’heure où l’on
parle de marginalisation au profit de la composante chiite...